Contents
1 Contexte
La Web Foundation milite pour:
- 1 Des données ouvertes pour tous, un droit pour tous.
- 2 Des données ouvertes dont les gens ont besoin.
- 3 Des données ouvertes aisément exploitables.
Les résultats de cette quatrième édition du Baromètre des données ouvertes montrent que même si certains gouvernements progressent vers ces objectifs, les données ouvertes restent l’exception, et non la règle.
Pourquoi est-ce important ? Chacun devrait être en mesure d’accéder à des données ouvertes et de les utiliser dans un Web ouvert pour pouvoir participer pleinement à la vie civique. Sans données de qualité, il n’est pas possible de tenir les gouvernements responsables des décisions qu’ils prennent, des politiques qu’ils adoptent et de l’argent public qu’ils budgètent et dépensent.
Pour sa quatrième édition, le Baromètre des données ouvertes examine 115 pays et juridictions, soit une hausse de 25 % par rapport à l’édition précédente. Les têtes de classement pour chaque zone géographique de notre étude sont le Canada, Israël, le Kenya, la Corée du Sud, le Mexique et le Royaume-Uni. Globalement, notre enquête révèle que ces « champions » régionaux n’ont cessé de s’améliorer depuis la parution de notre dernière édition.
Classement régional |
Asie de l’Est et Pacifique
Global Rank
Score (/100)
|
Europe et Asie centrale
Global Rank
Score (/100)
|
Amérique latine et Caraïbe
Global Rank
Score (/100)
|
Proche-Orient et Afrique du Nord
Global Rank
Score (/100)
|
Amérique du Nord
Global Rank
Score (/100)
|
Afrique subsaharienne
Global Rank
Score (/100)
|
---|---|---|---|---|---|---|
1 | Corée
5th
81
|
R.-U.
1st
100
|
Mexique
11th
73
|
Israël
28th
46
|
Canada
2nd
90
|
Kenya
35th
40
|
2 | Australie
5th
81
|
France
3rd
85
|
Uruguay
17th
61
|
Tunisie
50th
32
|
États-Unis
4th
82
|
Afrique du Sud
46th
34
|
3 | Nouvelle Zélande
7th
79
|
Pays-Bas
8th
75
|
Brésil
18th
59
|
UEA
60th
26
|
Ile Maurice
59th
26
|
|
4 | Japon
8th
75
|
Norvège
3rd
74
|
Colombie
24th
52
|
Kazakhstan
59th
26
|
Ghana
59th
26
|
|
5 | Philippines
22nd
55
|
Espagne
11th
73
|
Chili
26th
47
|
Qatar
74th
19
|
Tanzanie
67th
22
|
Tableau 1 : les têtes de files de la quatrième édition du Baromètre, leur note globale et leur classement respectif
[L’intégralité du classement est disponible dans notre explorateur de données en ligne]
Pour entraîner de véritables changements, les données ouvertes doivent respecter les principes instaurés par la Charte sur les données ouvertes adoptée, à l’heure actuelle, par 15 gouvernements nationaux et 25 administrations locales.
Les principes de la Charte sur les données ouvertes
La 4e édition du Baromètre expose la performance de 115 gouvernements par rapport aux principes de la Charte sur les données ouvertes. La Charte est un cadre d’action dont l’objectif est de promouvoir la culture et la pratique de la transparence des gouvernements. Ce mouvement vers l’ouverture doit être à la fois résistant aux changements politiques et orienté par la demande des citoyens. La Charte sur les données ouvertesénonce également le chemin à suivre pour améliorer l’accessibilité à davantage de données. Afin d’atteindre ces objectifs, la Charte propose six principes pour une transmission des données efficace :
- Ouvertes par défaut : le Baromètre analyse l’existence et la qualité de 15 bases de données clés (telles que les registres de propriété foncière ou les budgets des gouvernements) dans chacun de ces 115 pays. Ces données sont récoltées sous une forme ou une autre dans 97 % des pays étudiés. Cependant, 29 % ne sont toujours pas disponibles en ligne et seulement 7 % sont réellement ouvertes.
- Actualisées et exhaustives : Il ressort de notre enquête que 74 % des données analysées sont à jour, ce qui est encourageant. Cependant, cela signifie aussi qu’un quart des données étudiées ont une valeur d’une durée très limitée..
- Accessible et utilisable : 73 % des bases de données que nous avons étudiées ont été relativement faciles à trouver, mais 10 % n’étaient pas disponibles gratuitement. Un quart d’entre elles seulement étaient mises à disposition sous une licence libre, ce qui signifie que la délivrance de licences reste un grand obstacle à l’utilisation des données.
- Comparables et interopérables : un peu plus de la moitié des données (53 %) est disponible dans un format lisible par une machine et réutilisable. Seulement 24 % sont disponibles et téléchargeables par lots.
- Utiles pour améliorer la gouvernance et de la participation citoyenne : l’incidence des données ouvertes sur l’efficience du gouvernement est encore très faible, avec un score moyen de seulement 1,20 sur 10 pour tous les gouvernements de cette étude. De même, l’engagement des gouvernements auprès de la société civile en ce qui a trait aux données ouvertes reste également limité, avec un score moyen de 4,23.
- Bénéfiques au développement inclusif et à l’innovation : si nous examinons l’incidence qu’ont les données ouvertes sur l’inclusion des personnes marginalisées dans l’élaboration des politiques, ou sur leur accès aux services publics, le Baromètre montre que seulement 6 % des gouvernements obtiennent un résultat significatif dans ce domaine. Quant à la disponibilité des données absolument nécessaires pour l’innovation (comme les données cartographiques ou les horaires des transports publics), 8 % seulement des bases de données concernées sont véritablement ouvertes.
Nous allons maintenant examiner plus en détails principaux résultats de notre étude. Ensuite, nous émettons une série de recommandations avant d’analyser les thèmes et tendances de l’univers des données ouvertes de façon plus large.
2 Constatations et recommandations
Le Baromètre de cette année montre que, dans l’ensemble, l’engagement des gouvernements en faveur des données ouvertes a ralentit ou s’est interrompu. Dans certains cas, nous sommes même revenus en arrière.
En fin de compte, la plupart des gouvernements ne respectent pas les principes de base de la Charte sur les données ouvertes. Dans bien des cas, les politiques appropriées ne sont pas en place et l’ampleur ainsi que la qualité des bases de données rendues publiques sont insuffisantes. Par conséquent, nous sommes dans l’impossibilité, en tant que collectivité, d’utiliser les données ouvertes pour apporter une réelle amélioration aux conditions de vie des individus.
Cependant, les pays qui ont officiellement adopté la Charte réalisentgénéralement des progrès considérables dans la concrétisation de ces principes. Leur performance s’est améliorée au cours des dernières années. Certains signataires de la Charte, tels que le Royaume-Uni, la France, la Corée du Sud et le Mexique, sont même devenus des chefs de file en la matière dans leur région.
Constatation 1: les bases de données de neuf gouvernements sur dix ne sont pas ouvertes
Pour cette édition du Baromètre, nous avons analysé 1 725 bases de données sur 15 thèmes différents dans 115 pays. Sept gouvernements seulement intègrent dans leurs politiques actuelles sur les données ouvertes le principe de « données ouvertes par défaut ». De plus, nous avons découvert que seulement 7 % des données sont intégralement ouvertes. Une base de données sur deux seulement est lisible par une machine et une sur quatre seulement est publiée sous licence libre. La quantité de données libres et disponibles dans un format lisible par une machine a augmenté depuis la parution du premier Baromètre, mais le nombre total de bases de données véritablement ouvertes ne progresse pas.
Disponibilité des données | 4e Baromètre | 3e Baromètre | 2e Baromètre | 1er Baromètre |
---|---|---|---|---|
Données ouvertes | 7% | 10% | 10% | 7% |
Lisibles par une machine | 53% | 55% | 41% | 37% |
Sous licence libre | 26% | 24% | 14% | 12% |
Tableau 2 : évolution des indicateurs clés sur les données libres au fil des quatre éditions du Baromètre.
(Le nombre de pays couverts a augmenté au cours des années, ce qui peut aussi influencer les résultats.)
Si les gouvernements ajoutaient une licence libre aux bases de données qui respectent déjà les autres critères, le nombre de bases de données véritablement ouvertes ferait plus que doubler, pour atteindre 15 %. Au Canada, par exemple, la licence restrictive sur plusieurs bases de données est l’une des premières raisons qui expliquent pourquoi ce pays n’a pas dépassé le Royaume-Uni, de longue date en tête du classement.
Les données que possèdent les gouvernements doivent être ouvertes par défaut et respecter les principes exposés dans la Charte sur les données ouvertes, de la publication proactive à l’attribution de licence ouverte (tout en prenant garde de ne pas publier de données personnelles identifiables). En outre, les gouvernements doivent maintenir leurs engagements en matière de données ouvertes et éviter de reculer dans le classement. Les gouvernements du Royaume-Uni, des États-Unis et de pays scandinaves ont tous reculé cette année (voir Constatation 3).
Les lois sur le droit à l’information, quand elles existent, devraient être modifiées pour encadrer la mise à disposition proactive des données. Elles doivent prévoir l’ouverture par défaut des données publiques et non personnelles et leur transmission dans un format lisible par une machine et sous une licence libre permettant leur réutilisation.
Constatation 2 : les données publiques des gouvernements sont généralement incomplètes et de mauvaise qualité
Les données des gouvernements sont souvent incomplètes, pas actualisées, de mauvaise qualité et fragmentaires. Dans la plupart des cas, les catalogues ou portails de données ouvertes sont alimentés manuellement, conséquence d’une approche informelle de la gestion des données. De plus, les procédures, les calendriers et les responsabilités des institutions publiques chargées de leur gestion manquent souvent de clarté. Ainsi, de manière générale, la gestion et la publication des données ouvertes sont fragiles et sujettes à des erreurs multiples.
- a Même si 79 gouvernements sur les 115 étudiés possèdent un portail de données ouvertes, les données les plus complètes sont souvent publiées par une autre source. Dans ces pays, la majorité des bases de données les plus exhaustives (61 %) sont publiées par d’autres agences gouvernementales.
- b Beaucoup de données de référence sont publiées par les offices nationaux de statistiques, probablement en raison de leur longue expérience de la gestion des données, souvent meilleure que celle des catalogues de données ouvertes. Globalement, sur les 115 gouvernements étudiés, 24 % des données de référence sont publiées par les offices nationaux de statistiques. Même quand les gouvernements possèdent des portails de données ouvertes, les données de référence provenant de tels offices statistiques (22 %) sont plus abondantes que celles des portails de données ouvertes (17 %).
- c Les données sont complexes à utiliser, car il n’y a pas de métadonnées attachées ou de documentation explicative disponible. Moins d’un tiers (31 %) des bases de données publiées sont accompagnées de métadonnées de base ou de documentation.
Afin de garantir la pérennité des données ouvertes, toutes les procédures et tous les systèmes de gestion des données des gouvernements doivent être conçus en gardant à l’esprit l’ouverture, et ce, dès le début du cycle de gestion de données. Il est impératif que les gouvernements ne considèrent pas l’ouverture des données comme une étape finale supplémentaire, mais comme une procédure intégrée aux habitudes de tous les services. Nous recommandons que les gouvernements évaluent leur gouvernance des données du début à la fin du cycle et qu’ils intègrent la publication automatique des données ouvertes dans leurs procédures en informatique. De cette façon, les utilisateurs disposeront toujours de la version la plus récente et la plus complète des bases de données, directement depuis leur source, et le recours aux téléchargements manuels vers un seul catalogue central diminuera.
Dans l’état actuel, les portails de données ouvertes devraient être envisagés comme une solution temporaire pour permettre l’accès aux données publiques, le temps qu’une solution plus cohérente soit déployée. On peut par exemple permettre la publication automatique des données, comme exposé plus haut, sur les sites des services pertinents, avec une étape automatisée supplémentaire pour alimenter en données un portail central en temps réel.
Constatation 3 : le succès ou l’échec des données ouvertes repose sur la volonté politique
La volonté politique est capitale pour introduire et accroître l’utilisation des données. Nous constatons l’importance de cette volonté politique dans des pays tels que l’Ukraine, l’Argentine, les Philippines, le Burkina Faso et la Tanzanie, qui tous ont beaucoup amélioré leur score et qui ont progressé dans le classement de la présente édition du Baromètre.
Toutefois, cette volonté politique doit se traduire en fortes résolutions juridiques et politiques, comme c’est le cas au Canada, au Mexique, au Japon et en Corée du Sud. Ces pays ont régulièrement progressé dans le classement du Baromètre. Dans le cas contraire, les initiatives lancées autour des données ouvertes (ainsi que les ressources nécessaires pour les faire progresser) se tarissent quand les vents politiques tournent. C’est ce qui semble arriver au Costa Rica, en Équateur et au Rwanda. Dans ces trois pays, des progrès avaient été accomplis dans un premier temps, dans le sens de l’ouverture des données, mais l’absence actuelle de suivi par le gouvernement a fait dérailler le processus. De même, les pays scandinaves, qui furent un temps des exemples en matière de données ouvertes, ne semblent plus leur donner une priorité aussi nette que par le passé, ce qui se reflète dans leur classement.
Gouvernements | Classement 4e Baromètre | 3e Baromètre | 2e Baromètre | 1er Baromètre |
---|---|---|---|---|
Danemark | 13th | 5th | 9th | 5th |
Finlande | 20th | 11th | 12th | 14th |
Islande | 36th | 22nd | 27th | 13th |
Suède | 14th | 9th | 3rd | 3rd |
Tableau 3 : classement des pays scandinaves – De la première à la quatrième édition du Baromètre
Les initiatives en matière de données ouvertes peuvent aussi s’ensabler. C’est notamment le cas lorsque les personnes qui les soutiennent ne réussissent pas à mettre en place des réformes d’envergures qui garantissent l’instauration d’une culture de transparence, ou lorsque les décisions politiques ne sont pas assorties de mesures de gestion des données qui permettent aux ressources et aux politiques de survivre aux changements politiques. Ce problème existe aussi dans certains pays qui se trouvent actuellement en tête du classement du Baromètre, comme les États-Unis et le Royaume-Uni. Aux États-Unis, la nouvelle administration a déjà retiré certaines bases de données clés des sites du gouvernement, ce qui soulève des inquiétudes sur le futur des données ouvertes dans le pays. De son côté, le Royaume-Uni semble vouloir diluer certains de ses engagements dans sa nouvelle politique par défaut sur « les données gouvernementales ouvertes au besoin ».
Nous recommandons que les gouvernements adoptent et mettent en œuvre les principes de la Charte sur les données ouvertes, de façon à avoir :
- Un cadre politique fort qui prévoit des processus, un calendrier et des ressources, et qui édicte des responsabilités et la nécessité de protéger la vie privée et les données. La responsabilité doit être transmise à des institutions ou autorités nationales qui sont alors chargées d’établir un droit général de réutilisation au moyen du statut explicite « ouvert par défaut ».
- Une stratégie et des pratiques de gestion des données cohérentes,comprenant des directives relatives aux métadonnées et à la fréquence de publication, des inventaires de données, de la documentation et des procédures d’évaluation de la qualité et de la gestion des commentaires adressés par les utilisateurs.
De cette façon, une culture de données ouvertes est créée et assurée au-delà des transitions politiques. Nous recommandons aussi que les gouvernements ajoutent des dispositions aux textes de loi actuels sur le droit à l’information pour renforcer la publication proactive de données gouvernementales ouvertes.
Constatation 4 : les gouvernements ne publient pas les données nécessaires pour restaurer la confiance des citoyens
Les portails de données ouvertes ne contiennent souvent pas les données que les citoyens veulent réellement et dont ils ont besoin. Les gouvernements doivent investir dans l’ouverture des bases de données dont les citoyens ont RÉELLEMENT besoin (par ex. : données budgétaires, dépenses, contrats publics et registres des sociétés). Ces bases de données tendent à être très opaques et il s’agit souvent des données les moins ouvertes :
Bases de données | 4e édition % de bases de données publiées par tous les gouvernements |
3e éd. | 2e éd. | 1re éd. |
---|---|---|---|---|
Budget | 10% | 18% | 13% | 9% |
Registre des sociétés | 5% | 1% | 3% | 4% |
Dépenses | 3% | 2% | 9% | 6% |
Contrats publics | 3% | 8% | 6% | N/A |
Propriété foncière | 1% | 5% | 3% | 4% |
Tableau 4 : pourcentage des gouvernements qui publient des bases de données totalement ouvertes nécessaires à leur responsabilisation, par éditions du Baromètre
Comme le montrent les différentes constatations de cette édition, rares sont les gouvernements qui bénéficient de données réellement ouvertes sur ces sujets, alors qu’elles sont essentielles pour lutter contre la corruption et pour faciliter la reddition de compte des institutions publiques. Les gouvernements doivent de toute évidence intensifier leurs efforts.
Les gouvernements doivent accorder la priorité à l’ouverture des données qui aideront les citoyens à obtenir ce qu’ils recherchent réellement : de meilleurs services publics, plus de transparence et la responsabilisation des pouvoirs publics. Pour ce faire, les gouvernements doivent consulter les intermédiaires tels que la société civile, les organisations communautaires et les médias, pour déterminer avec exactitude de quelles données et informations les citoyens ont besoin pour résoudre leurs problèmes et améliorer les services publics.
Il est important que les gouvernements évitent de consulter uniquement les interlocuteurs habituels et qu’ils réalisent des efforts soutenus pour consulter un nombre plus large de voix. Ils doivent aussi porter une attention particulière aux citoyens souvent écartés de leur prise de décisions. Forts de ces consultations, les gouvernements pourront donner la priorité à la publication des bases de données les plus utiles. Par exemple, quelles données devraient être mises à disposition pour améliorer les services de santé et répondre aux besoins des citoyens ?
Rendre disponibles les données dont ils ont besoin ne suffira cependant pas à restaurer la confiance des citoyens. Il est tout aussi important de protéger leurs données personnelles et de faire en sorte qu’elles sont toujours entre bonnes mains. Les gouvernements doivent donc veiller à ce que les citoyens connaissent et acceptent la façon dont leurs données sont collectées, traitées et utilisées par le gouvernement.
Constatation 5 : peu d’initiatives pour les données ouvertes font une promotion active de l’inclusion et de l’équité
Comme les précédentes années, nos chercheurs ont trouvé des preuves que les données ouvertes contribuent à la croissance économique et à la création d’entreprises, mais il n’existe pas de données sur leur effet réel en matière d’inclusion sociale (que ce soit par l’amélioration de l’accès aux services publics des personnes marginalisées ou par leur plus grande participation aux décisions politiques). Les données ouvertes contribuent à créer des emplois et de la croissance et c’est une bonne nouvelle, mais nous ne devrions pas automatiquement en déduire qu’il s’agit de la solution à tous les problèmes.
Les groupes aux revenus les plus bas ou au poids politique le moins élevé tendent à être exclus des consultations et des prises de décisions concernant les données ouvertes. Ils manquent souvent d’accès à Internet et de compétences pour accéder aux données ouvertes. Ils peuvent aussi être moins visibles dans les données elles-mêmes. Un bon exemple du problème de représentativité : les femmes sont moins connectées que les hommes. Elles sont moins susceptibles d’être consultées sur les politiques et les initiatives en matière de données ouvertes, elles sont sous-représentées dans les rangs des professionnels des données, et, souvent, elles ne figurent pas dans les statistiques officielles. Le tableau suivant illustre le manque de données non regroupées par sexe dans une sélection de bases de données.
Bases de données | Disponibilité de données en ligne ventilées, pour tous les gouvernements |
Disponibilité en ligne de données ventilées par sexe |
---|---|---|
Statistiques nationales | 99% | 66% |
Santé | 85% | 60% |
Education | 88% | 69% |
Criminalité | 79% | 32% |
Tableau 5 : disponibilité de données non regroupées par sexe pour quatre secteurs différents
Pour atteindre les Objectifs de développement durable, axés sur l’éradication de la pauvreté et sur l’égalité des genres, l’ouverture des données est un bon début, mais elle n’est pas suffisante. Les politiques relatives aux données, comme le rappelle le Principe 6 de la Charte sur les données ouvertes, doivent être inclusives dès leur conception. Ainsi, il sera possible d’exploiter le potentiel des données ouvertes pour favoriser l’égalité et les gouvernements pourront atteindre leurs objectifs. Concrètement, les étapes à suivre comprennent :
- Collecte des données. Investir davantage dans l’agrégation des données par sexe, niveau de revenus ou âge, et développer de nouveaux indicateurs qui permettent de mieux analyser la diversité et la stratification de nos sociétés.
- Conception des données. Consulter les groupes marginalisés durant la préparation d’une nouvelle collecte de donnée ou d’une initiative de publication pour mieux saisir les occasions de promouvoir l’égalité. On peut ainsi également éviter certaines conséquences négatives involontaires qui pourraient enraciner encore plus profondément la discrimination et l’exclusion.
- Accès aux données. Investir pour offrir un accès à Internet à bas coût pour les groupes marginalisés. Les prix élevés ou la rareté sont une source d’inégalité dans l’accès aux données pour les femmes, les personnes à faibles revenus et d’autres groupes marginalisés.
- Utilisation des données. Investir dans des procédés qui permettent aux groupes marginalisés d’utiliser les données et, plus particulièrement de participer à l’élaboration des politiques, dans le but explicite d’atteindre des objectifs de politique sociale.
3 Tendances relatives aux données ouvertes
La Web Foundation considère que les données ouvertes doivent bénéficier à tous. Toutes les données qui sont désirées ou qui peuvent être utilisées devraient être ouvertes. Les résultats obtenus dans cette étude, résumés plus haut, montrent que dans la plupart des pays, ce n’est pas le cas. Dans cette partie, nous examinons plus en détail les tendances derrière ce fait inquiétant et nous donnerons aussi quelques contre-exemples de bonnes pratiques.
3. 1. Des données pour tous
Les données appartiennent fondamentalement à la population puisqu’elles sont collectées et détenues par un gouvernement qui est financé par les contribuables. . La Web Foundation pense que chacun devrait avoir un droit aux donnéese la même façon qu’il devrait avoir un droit à l’information. Pour y parvenir, on doit encourager les politiques qui favorisent un accès abordable à Internet et qui garantissent la protection des données personnelles des citoyens.
Les résultats du Baromètre indiquent qu’une quantité importante de données gouvernementales n’est pas encore accessible au public et que ces données existent rarement dans un format ouvert. De plus, même les données effectivement ouvertes ne répondent pas aux besoins de tous les citoyens.
Dans les 115 pays analysés, les effets de l’ouverture des données se font toujours le plus ressentir dans le domaine de la croissance et de la création de nouvelles activités économiques. Elles ont peu d’influence sur l’accès aux services des groupes marginalisés et sur leur participation à la prise de décisions. Par conséquent, le potentiel des données ouvertes pour promouvoir l’égalité des chances reste sous-exploité.
10 premiers Baromètre gouvernements | Impact sur l’entrepreneuriat (sur 10) |
Impact sur l’économie (sur 10) |
Impact sur l’inclusion (sur 10) |
---|---|---|---|
Royaume-Uni | 9 | 6 | 1 |
Canada | 5 | 3 | 4 |
France | 8 | 4 | 3 |
États-Unis | 8 | 4 | 2 |
Corée du Sud | 7 | 5 | 2 |
Australie | 6 | 5 | 3 |
Nouvelle Zélande | 8 | 3 | 2 |
Japon | 7 | 3 | 2 |
Pays-Bas | 6 | 3 | 0 |
Norvège | 7 | 4 | 0 |
Moyenne des 10 premiers | 7.1 | 4 | 1.9 |
Tableau 6 : comparaison des effets sur l’entrepreneuriat, l’économie et l’inclusion pour les dix gouvernements les mieux classés du Baromètre.
L’absence de données dans certains domaines signifie que les besoins et la contribution de certains groupes restent peu visibles pour des décideurs politiques. Il est donc très important que les initiatives en faveur des données s’efforcent d’éliminer ces manques, et la meilleure façon de le faire est bien souvent d’impliquer les groupes marginalisés dès la conception. C’est pourquoi un dialogue constant avec la société civile et les citoyens est essentiel. Une représentation plus diversifiée d’acteurs peut permettre de repérer des conséquences non prévues et d’éviter une discrimination entraînée par des données. Parmi les récents exemples de données ouvertes mal utilisées, nous pouvons citer l’utilisation de dossiers publics provenant de tribunaux pour mettre sur la liste noire des locataires à faibles revenus de la ville de New York, et l’érosion imprévue des droits informels des femmes sur la terre résultant de l’augmentation des registres fonciers officiels.
Comment les gouvernements peuvent-ils s’assurer que leurs initiatives en matière de données sont inclusives ? Statistics Canada a lancé l’initiative pour les données des communautés autochtonesafin que ces populations disposent de données importantes pour planifier et comprendre la démographie de leur communauté et de la population dans les zones environnantes. D’autres exemples au Japon et en Côte d’Ivoire (voir les encadrés ci-dessous) proposent d’autres idées.
Japon | Aider les personnes âgées et les piétons à mobilité réduite
En 2015, le ministère du Territoire, des Infrastructures et des Transports du Japon (MLIT) a lancé un site de données ouvertes à l’attention des piétons à mobilité réduite et des personnes âgées. Le MLIT a également conçu des guides à l’usage des collectivités locales, pour que celles-ci développent des bases de données locales pour améliorer les déplacements des piétons. Ce site permet de trouver environ50 000 points de données, dont approximativement 7 000 concernent les aménagements sans obstacle dans les terminaux de passagers tels que les gares et environ 42 000 points d’accès sans fil LAN gratuits. Les données peuvent être téléchargées et l’outil peut générer une carte d’itinéraire sans obstacle. Depuis l’ouverture des données, de nombreux concours d’idées et autres maratons de programmation ont été organisés. De plus, des applications ont été développées pour aider les piétons à mobilité réduite.
Côte d’Ivoire | L’initiative pour le genre TechMousso
En Côte d’Ivoire, l’initiative en faveur des femmes TechMousso(Femme Tech), a rassemblé les communautés promouvant la technologie et l’égalité des genres afin de développer des solutions aux problèmes locaux. Il s’agissait du premier atelier et de la première initiative de consultation autour des données sur le genre dans le pays. Plus de 60 représentants du gouvernement et de la société civile ont identifié les besoins des communautés, avec un accent sur les écarts dans les données concernant la santé et l’entrepreneuriat. Un concours pour proposer des solutions a ensuite été ouvert. Plus de 50 équipes y ont participé. Les dix équipes lauréates ont développé et présenté des applications conçues pour générer et utiliser des données dont l’objectif est d’améliorer la santé, la sécurité, l’éducation et l’autonomisation économique des femmes.
Un thème commun lié aux données sur l’éducation : au moins deux équipes ont utilisé des données sur l’éducation pour analyser le taux de déscolarisation au lycée en fonction du genre et de l’orientation professionnelle choisie par les lycéens et lycéennes. Les données du gouvernement ivoirien sur l’éducation sont abondantes, mais à ce jour elles ne sont pas ouvertes et mises à dispositions du public. Grâce à TechMousso le gouvernement ivoirien travaille désormais à la publication et à la mise à disposition de ces données sur la plateforme Open Data Côte d’Ivoire.
De façon plus large, les participants de TechMousso ont appris que la formation, le réseautage et la visibilitésont essentiels pour produire une incidence durable. Ils ont également découvert que le contexte local et la diversité jouent un grand rôle dans l’inclusion des femmes. Après cette première étape, l’initiative naissante d’ouverture des données au sein du gouvernement ivoirien s’est accompagnée de consultations auprès des organisations de la société civile. Le gouvernement encourage la participation des citoyens dans l’ouverture des données dont ils ont besoin.
3. 2. Les données nécessaires aux citoyens
L’une des conclusions de cette édition du Baromètre est que les gouvernements ne rendent pas accessibles les données nécessaires pour restaurer ou gagner la confiance des citoyens, comme des budgets détaillés ou les registres des propriétaires d’entreprises.
Des données pour la responsabilisation des gouvernements
Les données dont les citoyens ont besoin pour responsabiliser les gouvernements sont souvent absentes ou difficiles à trouver. Il est essentiel que les gouvernements publient des informations sur leur utilisation des ressources publiques. Il peut s’agir de données sur la façon dont les impôts sont dépensés, sur l’attribution des contrats publics ou sur le financement des campagnes politiques. Il est aussi nécessaire de publier des données clés pour lutter contre la corruption, telles que celles retraçant le budget, les dépenses, les contrats publics, la propriété foncière, les registres des sociétés et les résultats des élections (voir méthodologie):
Bases de données | % de bases de données ouvertes publiées par tous les gouvernements | Total des gouvernements | Gouvernements qui publient ces bases de données sous forme réellement ouverte |
---|---|---|---|
Budget | 10% | 12 | Australie Brésil Géorgie Allemagne Jamaïque Mexique Pays-Bas Norvège Paraguay Suède Royaume-Uni Uruguay |
Dépenses | 3% | 4 | Canada Grèce Royaume-Uni Uruguay |
Contrats publics | 3% | 3 | Australie France Philippines |
Cadastre foncier | 1% | 1 | Canada |
Registre des sociétés | 5% | 6 | Australie Bulgarie Canada Kazakhstan Lettonie Norvège |
Législation | 3% | 3 | Nouvelle-Zélande Espagne Royaume-Uni |
Résultats des élections | 11% | 13 | Australie Autriche Canada Danemark France Irlande Corée du Sud Pérou Slovaquie Espagne Suède Turquie Royaume-Uni |
Tableau 7 : disponibilité des bases de données ouvertes pour la responsabilisation des gouvernements
À titre d’exemple, seule une base de données sur dix concernant les budgets est ouverte. Malheureusement, aux États-Unis, les données ouvertes sur le budget n’étaient plus disponibles à l’heure de la rédaction de ce rapport, ce qui prouve que les progrès dans ce domaine peuvent être perdus. Dans l’unique cas où des données sur les propriétaires de terres (au Canada) sont disponibles, elles ne le sont qu’au niveau sous-national.
Philippines : un budget participatif via la plateforme Check my Barangay
L’un des principes clés du Plan d’action 2014-2016du groupe de travail sur les données ouvertes aux Philippines est la gouvernance basée sur les données. Un superbe exemple est l’élaboration participative du budget des administrations locales par la plateforme Check my Barangay. Celle-ci est dirigée par le Affiliated Network for Social Accountability in East Asia et la Pacific Foundation Inc. Barangay, la plus petite division administrative aux Philippines (un village, un district ou un quartier). Le pays en compte 42 029.
Le projet permet aux habitants de suivre le budget de leur administration locale et de participer à son élaboration pour la toute première fois à un niveau local, en utilisant des données ouvertes du portail Full Disclosure Policy Portal. Le projet s’articule autour de réunions visant à aider les groupes locaux à discuter des postes budgétaires du barangay qui leur sont attribués, des projets à venir pour l’année et des postes prioritaires. Les participants ont très bien accueilli les technologies présentées durant les sessions (comme le portail des données et les notifications par SMS). Un consensus fort parmi les participants a émergé : les sessions ont amélioré leurs connaissances et compétences en matière de gestion de site Internet et d’utilisation des technologies mobiles pour suivre l’élaboration du budget et le calendrier de l’administration. Par la collaboration entre l’administration du barangay et des représentants de la communauté, le projet a permis de développer une culture de la communication et du débat, qui renforce la confiance entre les citoyens et les administrateurs responsables des services publics.
Des données pour les politiques sociales
Les données ouvertes ont le potentiel de rendre plus efficaces et inclusifs les services publics fondamentaux, comme la santé, l’éducation, la gestion de l’environnement, et par là de lutter contre la pauvreté et de réduire les inégalités. Dans cette partie, nous évaluerons si les données gouvernementales ouvertes sont réellement utilisées pour autonomiser et inclure tous les citoyens. Les données ouvertes peuvent améliorer la fourniture de services publics de manière directe, en donnant aux citoyens des outils supplémentaires pour le choix et la responsabilisation du gouvernement, ou de manière indirecte en aidant les législateurs à identifier et résoudre des problèmes sociaux systémiques.
À l’instar des données nécessaires pour la responsabilisation des gouvernements, les données pertinentes pour les politiques sociales sont moins souvent disponibles et ouvertes que celles touchant aux domaines de l’innovation. Le Baromètre fait apparaître des régressions dans les moyennes attribuées pour la disponibilité des données en matière de services publics fondamentaux. Il est inquiétant de noter que cette tendance se traduit notamment par une régression considérable de l’ouverture des données sur la santé et l’éducation, par exemple.
Bases de données | % de bases de données ouvertes publiées par tous les gouvernements | Total des gouvernements | Gouvernements publiant ces bases de données sous une forme réellement ouverte |
---|---|---|---|
Statistiques nationales | 8% | 9 | Belgique Canada Danemark Finlande France Italie Japon Norvège Royaume-Uni |
Santé | 7% | 8 | Danemark Finlande France Jamaïque Suisse Tadjikistan Royaume-Uni États-Unis |
Education | 8% | 9 | Argentine Brésil Danemark France Géorgie Jamaïque Malaisie Royaume-Uni États-Unis |
Environnement | 6% | 7 | Bulgarie Danemark France Géorgie Russie Suède Royaume-Uni |
Tableau 8 : disponibilité des bases de données ouvertes pour les politiques sociales.
Mexique : améliorer l’éducation
L’initiative pour l’éducation Mejora tu Escuela Mexique : améliorer l’éducation) une plateforme en ligne qui donne des renseignements aux citoyens sur les résultats des écoles. Ellea comme objectif principal d’aider les parents. Elle permet aux utilisateurs de comparer les données de 163 785 bases différentes pour aider à la prise de décision en matière d’éducation et améliorer l’éducation des enfants. Le pouvoir décisionnel des parents a été renforcé et l’initiative a également permis d’exercer un contrôle plus efficace et de réduire la corruption dans le système éducatif mexicain. Outre les parents, d’autres acteurs importants, dont les enseignants, les décideurs politiques et les organisations de la société civile utilisent ces données pour analyser et évaluer les performances des élèves actuellement scolarisés, afin de renforcer, voire de réformer, le système scolaire. Le Mexique a un taux d’obtention du diplôme de fin d’études secondaires plus bas que la moyenne des pays de l’OCDE. Améliorer ce résultat est donc un objectif prioritaire et un outil comme Mejora tu Escuela peut contribuer à y parvenir.
Données pour l’innovation
Le potentiel des données ouvertes pour susciter l’innovation est très important. Les entrepreneurs qui les utilisent peuvent en tirer des bénéfices significatifs pour leur activité. Elles peuvent aussi améliorer l’efficacité et la productivité de services publics. Les bases de données cartographiques, les horaires de transports publics et les données sur le commerce international ou sur la criminalité sont autant d’éléments utiles à l’innovation et à la création de valeur économique.
Dans ce triptyque, les données sur l’innovation sont plus abondantes que celles sur les politiques sociales ou la responsabilisation des gouvernements. Nous pouvons logiquement en déduire que les gouvernements donnent la priorité à ces données en particulier. Cependant, même dans des pays très actifs en matière d’initiatives pour les données ouvertes, le nombre de bases de données dédiées à l’innovation a décliné depuis la précédente édition du Baromètre.
Bases de données | % de bases de données ouvertes publiées par tous les gouvernements | Nombre total de gouvernements | Gouvernements publiant ces bases de données sous une forme réellement ouverte |
---|---|---|---|
Données cartographiques | 11% | 13 | Australie Autriche Canada Danemark RDC Congo Allemagne Islande Japon Pays-Bas Norvège Suède Royaume-Uni États-Unis |
Horaire des transports publics | 8% | 9 | Argentine Canada France Allemagne Italie Norvège Royaume-Uni États-Unis Uruguay |
Commerce international | 10% | 11 | Australie Autriche Canada France Jamaïque Pays-Bas Norvège Rwanda Suède Royaume-Uni États-Unis |
Criminalité | 8% | 9 | Canada Danemark Finlande France Géorgie Allemagne Moldavie Russie Royaume-Uni |
Table 9 : disponibilité des bases de données ouvertes pour l’innovation
France : données ouvertes et efficacité de l’administration grâce aux partenariats public-privé
Un exemple éloquent d’une plus grande efficacité de l’administration grâce aux données ouvertes est la création de la Base d’adresses nationales ou BAN en France. Ce projet est un partenariat privé-public réussi entre des acteurs nationaux, les autorités locales et les municipalités, avec l’assistance technique et la collaboration de la d’OpenStreetMap (notamment sa branche française), d’Etalab, et du National Geographic. La base de données contient plus de 25 millions d’adresses géocodées (et purgées de données personnelles identifiables).
Les utilisateurs peuvent accéder aux adresses de la BAN gratuitement, les télécharger, utiliser ses outils et ses services de géocodage, tous disponibles sous une licence ouverte et entièrement développés avec des logiciels libres et gratuits. Par exemple, l’outil Guichet Adresse Mairie aide les municipalités à créer, à identifier et à numéroter leurs réseaux locaux de routes et voies. La plateforme encourage aussi ses utilisateurs à faire part de leurs commentaires pour améliorer les données. La BAN contribue à améliorer la culture d’échanges avec les organisations de la société civile, mais également avec les structures publiques.
3. 3. Des données facilement exploitables
Les principes des données ouvertes soulignent l’importance de l’accessibilité et de la convivialité des données. Pour que les données gouvernementales ouvertes soient utilisables et utiles, elles doivent être complètes, exactes et de grande qualité. Les gouvernements devraient également faire le nécessaire pour mettre en place un mécanisme qui permet aux utilisateurs de faire des commentaires et de faire des examens des données pour faire en sorte que la qualité est améliorée, au besoin.
L’accès aux données
L’approche actuelle, centrée uniquement sur les portails de données ouvertes, ne fonctionne pas. Ceux-ci ont donné lieu à grand nombre de projets de données ouvertes abandonnés. La communauté des données ouvertes évoque ce problème depuis longtemps, mais elle n’a pas été en mesure d’améliorer la situation. Les bases de données les plus complètes et les plus souvent actualisées se trouvent généralement sur les sites de ministères ou d’agences gouvernementales, et non sur les portails de données ouvertes. Cela témoigne d’une mauvaise coordination entre les agences gouvernementales et les catalogues centraux.
Nous recommandons que les gouvernements mettent à jour leurs pratiques de gestion de données et instaurent un processus plus automatisé de publication de données afin de « procurer une meilleure expérience pour les utilisateurs et limiter les frais généraux des acteurs». L’automatisation pourrait par la suite être étendue pour alimenter un portail central, si les besoins des utilisateurs le requièrent.
Même si la solution concrète à ce problème est en partie technique, nous devons garder à l’esprit qu’il s’agit, de façon inhérente, d’un problème politique et d’organisation. Il n’est pas uniquement question ici de création de portails. Les gouvernements doivent prendre au sérieux la gouvernance des données et améliorer la manière dont ils créent et utilisent les données ouvertes à tous les niveaux, dans tous les départements et dans toutes les agences gouvernementales. Au lieu d’avoir pour unique but la création de portails, ils doivent d’abord réfléchir à une réforme politique et organisationnelle visant à améliorer l’impact des données ouvertes et leur durabilité à long terme.
Le problème des tierces parties et des portails de données ouvertes
Il arrive qu’un gouvernement délègue la gestion de son propre portail de données à des tiers. Si le soutien externe au portail de donnée s’interrompt, la probabilité est forte que l’initiative soit annulée. Par exemple, en Afrique subsaharienne, de nombreux gouvernements, par leur office national de statistiques, ont conclu des partenariats avec la Banque africaine de développement (BAD) pour créer des portails de données en ligne et renforcer les capacités en matière de statistiques. . La BAD est également partenaire de fournisseurs de services pour les données (des tierces parties) comme Knoema, un dépôt de données, pour élaborer des solutions reposant sur les données ouvertes au sein des gouvernements du continent africain. Ces portails de données sont la propriété des tiers responsables de leur gestion et ils ne devraient pas être considérés comme des portails de données ouvertes gouvernementaux, car :
- le rôle du gouvernement dans la gestion du portail est souvent peu clair ;
- l’origine et la raison d’être de la plateforme sont souvent peu claires ;
- la plateforme et le projet sont le plus souvent sous le contrôle total d’une « tierce partie », ce qui soulève des questions sur sa propriété et sa durabilité, comme ce fut le cas pour les portails d’africadata.org, récemment abandonnés ;
- les données semblent être compilées non seulement à partir de sources gouvernementales, mais aussi d’autres sources internationales, ce qui rend leur identification difficile.
La convivialité des données
Trop souvent, les données gouvernementales, lorsqu’elles sont disponibles en ligne, sont de qualité médiocre, ce qui les rend difficiles à utiliser. Des données ouvertes de bonne qualité doivent être :
- Disponibles en ligne de façon à servir au plus grand nombre possible d’utilisateurs et d’utilisations. Moins de trois quarts (71 %) des données disponibles aujourd’hui sont accessibles en ligne.
- Lisibles par une machine afin que de grandes bases de données soient analysables de façon efficace. De plus en plus de données deviennent disponibles dans un format réutilisable (jusqu’à 53 % pour la présente édition du Baromètre), mais près de la moitié des données disponibles sont encore publiées dans des formats non lisibles par des machines.
- Disponibles par lots de façon à pouvoir être téléchargées dans une base de données unique et pour être aisément analysées par une machine. Malheureusement, seulement 24 % des bases de données étudiées peuvent être facilement importées en lots.
- Gratuites pour que chacun puisse y accéder, quel que soient ses moyens. À ce jour, 10 % des données disponibles ne sont pas accessibles gratuitement. C’est particulièrement préoccupant pour les données des registres de propriété foncière : un tiers seulement des données disponibles sont gratuites.
- Sous licence libre pour qu’elles puissent être utilisées et réutiliser par tout le monde. À ce jour, la plus grande partie des données ne sont pas sous licence libre (seulement 26 % le sont). Il s’agit d’un problème qui peut être rapidement surmonté. Si les licences libres étaient octroyées internationalement, au moins 15 % des bases de données de ce Baromètre pourraient être considérées comme entièrement ouvertes (plus du double du pourcentage actuel de 7 %).
Bases de données | Lisibles par une machine | Disponibles par lots | Gratuites | Licences libres | Mises à jour | Durables | Trouvables |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Cartes | 70% | 33% | 66% | 29% | 54% | 51% | 74% |
Foncier | 40% | 14% | 37% | 14% | 69% | 69% | 57% |
Statistiques | 71% | 25% | 92% | 26% | 81% | 68% | 88% |
Budget | 45% | 25% | 100% | 24% | 95% | 90% | 87% |
Dépenses | 100% | 60% | 100% | 60% | 90% | 70% | 70% |
Entreprises | 32% | 27% | 72% | 17% | 72% | 65% | 73% |
Législation | 14% | 6% | 96% | 15% | 86% | 83% | 79% |
Transport | 43% | 26% | 99% | 29% | 75% | 56% | 74% |
Commerce | 64% | 22% | 99% | 21% | 79% | 75% | 77% |
Santé | 58% | 19% | 99% | 30% | 50% | 45% | 64% |
Éducation | 60% | 24% | 99% | 23% | 63% | 59% | 70% |
Criminalité | 57% | 20% | 99% | 29% | 64% | 57% | 71% |
Environnement | 68% | 20% | 100% | 36% | 51% | 52% | 57% |
Élections | 49% | 26% | 100% | 19% | 95% | 78% | 82% |
Contrats | 28% | 12% | 96% | 16% | 88% | 69% | 69% |
Tableau 10 : qualité des données disponibles en ligne pour les 15 catégories analysées par le Baromètre
(En vert et en rouge, les valeurs les plus et les moins élevées de chaque catégorie)
4 Conclusions
Pour que les bénéfices promis par le mouvement des données ouvertes se matérialisent, l’actuel agenda des gouvernements en la matière doit changer de perspective et revenir aux fondements, et aux individus. Les gouvernements doivent redoubler d’efforts pour que les données ouvertes soient accessibles à tous et qu’elles correspondent aux besoins des utilisateurs.
Les résultats de cette édition du Baromètre montrent que, malheureusement, ce n’est pas la direction prise dans la majorité des juridictions étudiées. En pratique, les données ne sont tout simplement pas ouvertes. Dans de trop nombreux cas, les données ouvertes sont considérées comme une option supplémentaire et non comme une responsabilité du gouvernement. Les initiatives en faveur des données ouvertes ne survivent pas aux dirigeants ou aux administrations qui les ont lancées, et restent fréquemment cantonnées à un seul service ou une seule agence. La baisse enregistrée par le Baromètre, même parmi les premiers du classement, reflète cette réalité.
Les politiques qui émergent ne sont donc pas durables et elles ne favorisent pas une plus grande ouverture et une plus grande accessibilité à des données de meilleure qualité, lesquelles sont, bénéfiques aux citoyens et peuvent être pour prendre des décisions politiques plus équitables et efficaces.
À la lumière des résultats du Baromètre, la Web Foundation appelle les gouvernements à prendre les mesures suivantes :
- 1 Recommandation : les données publiques d’un gouvernement doivent être ouvertes par défaut
- 2 Recommandation : les gouvernements doivent ouvrir les données de tous leurs services et agences
- 3 Recommandation : les gouvernements doivent adopter la charte sur les données ouvertes faire en sorte que les pratiques relatives aux données ouvertes sont toujours en place et qu’elles ne sont pas affectées par les changements politiques
- 4 Recommandation : les gouvernements doiventconsulter les citoyens et leurs représentants à propos du choix des données à publier en priorité
- 5 Recommandation : les gouvernements doivent investir dans l’utilisation des données ouvertes pour améliorer les conditions de vie des personnes marginalisées
Les bénéfices potentiels des données ouvertes, donc de restaurer la confiance, et d’élaborer des politiques meilleures et plus justes, se concrétiseront plus facilement si ces recommandations sont suivies. Dans le cas contraire, les données ouvertes resteront une aspiration plus qu’une réalité et les performances globales des pays étudiés par le Baromètre continueront de se détériorer.